Reiki et Bouddhisme

Le Reiki et le Bouddhisme

Reiki et Zen


 

Reiki, une ascèse du Bouddhisme Zen ou une découverte accidentelle ?

Mikao Usui s’est montré - en apparence seulement - assez contradictoire sur les conditions de sa découverte du Reiki.

Dans son interview au manuel de soin, Mikao Usui déclare que sa méthode est le fruit d’une ascèse :
« Méthode que j'ai obtenue après mon ascèse spirituelle, longue et difficile »,
et ailleurs qu’elle est une dévouverte accidentelle :
« Je n’ai reçu cette méthode de personne, ni non plus étudié les pouvoirs psychiques de guérison. J’ai réalisé que j’avais reçu accidentellement un pouvoir de guérison lorsque j’ai éprouvé l’air et la respiration d’une façon inédite et mystérieuse alors que je jeûnais ».

En fait, il faut distinguer la méthode Reiki, qui est un ensemble complet de philosophie et de techniques de méditation, de son pouvoir de guérison. La « méthode » est le fruit de l’expérience de Mikao Usui ; le « pouvoir de guérison » a été obtenu accidentellement.

Il ne convient donc pas de séparer les deux aspects ; mais, au contraire, de les passer en revue. On remarque que les écoles de Reiki qui ont trahi la méthode, se sont emparées du pouvoir de guérison en appui de doctrines hautement fantaisistes. Voyons donc de quelle ascèse il s’agit, puis tentons de comprendre cette découverte accidentelle. Ainsi, méthode et pouvoir de guérison constituent un ensemble cohérent, et le praticien reste fidèle à l’esprit du Reiki, tel que l’a conçu Mikao Usui.
 
1. Une ascèse.

Dans les documents existants sur le Reiki (manuel de soin et stèle), diverses indications sont données sur la pratique ascétique de Mikao Usui, et rendues par trois termes japonais :
- « Shyu Gyo », qui est une pratique intense mêlant la méditation et le jeûne (non hydrique) durant une période de vingt et un jour.
- « Anshin », qui  est une pratique permettant de trouver la sérénité et de faire l’expérience indicible de la paix de la conscience.
- « Ritsumei », qui est la pratique par laquelle le méditant prend conscience du but ultime de son existence (notons que ce but diffère selon que l’on se place du point de vue du Bouddhisme ou du Shintô, qui emploient le même terme).

Les noms des trois pratiques ascétiques ci-dessus sont plutôt d’origine shintoïste. Toutefois, faut-il imputer leur emploi au fait que c’était là le vocabulaire de Mikao Usui ou au contraire y trouver la preuve que le Reiki s’inscrit strictement dans cette tradition ? Les doutes sont permis et il convient alors de répondre à quelques interrogations légitimes.

La retraite Zen de Mikao Usui.

Une question fondamentale pour la compréhension du Reiki est celle de savoir pourquoi Mikao Usui se lance dans cette pratique de Shyu-Gyo / Anshin-Ritsumei. Qu’est-ce qui peut ainsi motiver un père de famille à chercher sa voie à un âge si avancé ; soit 57 ans si l’on retient la date de 1922 comme celle de la découverte du Reiki ? La stèle de Saihoki indique que Mikao Usui a exercé divers métiers, sans succès, et qui s’est même retrouvé dans certaines difficultés financières. Il est possible qu’il se soit interrogé sur le sens de son existence, à une époque où il pratiquait le Bouddhisme Zen.

La stèle de Saihoji nous éclaire sur ce point, pour introduire l’expérience de Kurama :
« Il (Mikao Usui) espérait avoir une vie réussie matériellement mais ne l’obtint jamais. Souvent, il s’était même retrouvé dans la gêne et la malchance. Toutefois, il ne renonçait pas et continuait tout simplement à étudier, de plus en plus ».

Lors d’une expérience de méditation, Mikao Usui indique avoir ressenti une différence dans sa manière de respirer, suite à un évanouïssement où il avait senti un puissant « Reiki » (souffle spirituel) le frapper et le mettre en résonance avec l’univers (Rei en japonais). La description de cet événement ne ressemble à aucune technique du Zen connue en Occident. On retrouve plutôt une des intentions du Shintô, qui vise à réaliser que l’univers et le méditant sont un.

Pour autant, il ne faut pas conclure si rapidement que le Reiki est un pur produit du Shintô. En effet, Mikao Usui prècise que sa méthode est originale et les indications données sur la stèle de Saihoji suggéreraient plutôt une réalisation dans le domaine du Bouddhisme :
« Un jour, il se rendit sur Kurama-yama pour pratiquer le Shyu-gyo, une célèbre pratique ascétique. Au matin du dernier jour de sa retraite (le 21ème), il sentit une influence spirituelle très forte au-dessus de lui et obtint la réalisation de la voie bouddhique ».

Il est vrai que les Nippons ne distinguent pas vraiment le Shintô du message du Bouddha, comme les Catholiques le font entre le Davidisme et l’enseignement de Jésus. La « voie bouddhique » en question est-elle le Zen, que Mikao Usui pratiquait alors ? Il convient d’en avoir le cœur net, afin de conclure si l’expérience de Mikao Usui s’inscrit dans une tradition, donc résulte d’une technique, ou au contraire est accidentel. Voyons donc ce qu’est le Zen.

La légende de l’origine de la tradition Zen et de la lignée de ses maîtres remonte à un sermon du Bouddha Shākyamuni à ses disciples, alors qu’ils s’étaient rassemblés sur le pic des vautours en Inde. Le récit est relaté dans le Sūtra Lankavatara.

Pour expliquer un aspect de son enseignement, le Bouddha se contente de cueillir silencieusement une fleur d’Udumbara et de l’observer. Aucun des disciples ne comprend alors le message qu’il tente de faire passer, à l’exception de Mahâkâshyapa, qui sourit au Bouddha. Celui-ci lui annonce alors à l’assemblée qu’il lui avait ainsi transmis son trésor spirituel le plus précieux.

Ce récit est une préfiguration de la description du « Chan » (l’ancêtre du Zen en Chine), que l’on prêtera à Bodhidharma :
« pas d’écrit, un enseignement différent (de tous les autres), qui touche directement la conscience pour révéler la vraie nature de Bouddha ».

Parti d’Inde, cette forme de Bouddhisme très épurée fut importée de Chine au Japon, via la Corée, par vagues successives du 6ème au 13ème siècles. Au 13ème siècle, le moine Dogen l’importa dans l’Ile du Soleil levant sous le nom de « Zen Sōtō », et le moine Eisai, de « Zen Rinzai ». Le courant Zen et la pratique du « zazen » (méditation assise pratiquée pour atteindre l’Eveil) y eurent beaucoup de succès. Ils s’accompagnèrent du développement par les moines de plusieurs arts et techniques, soit directement importés du reste de l’Asie, soit créés localement en intégrant des éléments du nord de la Chine et de la Corée. On peut citer comme exemple l’usage du thé ou l’esthétique simple et dépouillée. Le Zen japonais est aussi fortement influencé par le Taoïsme chinois, dont on retrouve divers symboles et notions dans sa doctrine et ses pratiques.

Or, dans le Taoïsme, une technique dite « d’alchimie interne », vise bien à obtenir ce que Mikao Usui a expérimenté ; même si dans les formes de Zen connues en Occident cet aspect est absent. Nous y reviendrons. On se souvient que Mikao Usui recherchait le sens de sa vie, lors de sa retraite. Or, ce sens est très différent dans les deux traditions, bouddhiste et taoïste.

De son côté, le Bouddhisme, sur les traces du Bouddha, s’adresse à des sédentaires souhaitant retrouver un peu de charisme naturel, après une phase de décadence de leur civilisation. Pour cela, il les invite à réaliser l’interdépendance des phénomènes (tous sont liés comme les fils d’une étoffe) et leur vacuité (ils sont tous vides d’existence propre). Ce n’est que lorque la conscience perçoit clairement - et de manière stable - ces deux aspects corollaires du réel, que le méditant peut enfin sortir du cycle des renaissances et atteindre la Libération / Délivrance. Cette étape finale est celle de la « grande cessation », le « Nirvana », où la lumière envahit tout, comme le soleil de la fin des temps consummera notre système solaire pour mettre fin à toute vie telle que nous la connaissons. 

De son côté, le Taoïsme s’adresse plutôt à des nomades souhaitant se sédentariser en toute sécurité et vise à orienter en l’homme les forces présentes en lui (son énergie ancestrale et sa force sexuelle) pour les unir aux forces venues du cosmos. C’est alors que sa volonté n’est plus influencée par le destin familial ou ses pulsions, ni la providence du moment, marquée par la ronde céleste des astres. De là, il atteint l’état d’immortel taoïste et réside pour l’éternité dans les cieux. Il y sert de modèle à l’humanité en tant qu’ancêtre psychique, auquel on peut se référer pour conduire son existence et obenir protection occulte. Ce paradis des ancêtres est situé sur la Lune, qui est vue comme virile.

Lorsque le Bouddhisme (donc avec une symbolique plutôt solaire) est entré en Chine, il s’est vivement opposé au Taoïsme (au symbolisme lunaire). De même au Japon, le Bouddhisme s’est heurté au Shintô car il ne promeut aucun culte des ancêtres, ni des forces naturelles. On se souvient que le Shintô vise de son côté à unir l’homme et l’univers, pour susciter une vie en harmonie. Il y a donc eu une nécessaire adaptation du Bouddhisme aux habitudes locales, qui a ainsi produit des formes syncrétiques successives. De la même manière, le Christianisme a repris des éléments du paganisme antérieur en Europe et s’est ainsi adapté pour prospérer sur le lit des croyances antérieures. Le Catholicisme est très éloigné de l’enseignement de Jésus ; mais toutefois il a fonctionné plusieurs siècles en se réadaptant.

Ainsi, le Bouddhisme a intégré en Chine certains exercises taoïstes d’immortalité. On pense aux arts internes, associés aux arts martiaux. Le but de ces pratiques était d’assurer la sécurité des moines, dans une Chine où les monastères attisaient la convoitise (ils étaient riches et béénficiaient d’exemptions fiscales) et donc étaient victimes d’attaques de malfrats. En corollaire, la maîtrise de l’énergie interne était orientée vers la force psychique, utile au combat, ou à la récupération physique.

Le Zen du Japon aura naturellement ainsi hérité de certaines préoccupations d’alchimie interne taoïstes, venues de Chine avec le Bouddhisme, et notamment des techiques de guérison. De même, la démarche de Mikao Usui n’est pas spécialement orientée vers la guérison - ou les aspects subtils de l’être - à son origine ; c’est une ascèse de questionnement sur le sens de son existence. Il écrit d’ailleurs qu’il a surtout suivi une ascèse et que ce n’est qu’à son terme qu’un « pouvoir » s’est manifesté comme guérison et comme intuition :
« Ma méthode est d’aider le corps et la conscience avec le pouvoir intuitif de l’univers, dont il est fait mention au Sutra du Cœur. Méthode que j’ai obtenue après mon ascèse spirituelle, longue et difficile ».

Toutefois, même si Mikao Usui emploie des termes du Shintô comme Reiki et « Chokurei » (un des trois symboles du second degré), ce qu’il a réalisé - et qui est devenu sa méthode - semble bien lié à une préoccupation du Bouddhisme, avec des apports du Taoïsme chinois du point de vue technique (nous venons de le voir). Il l’indique clairement dans son interview :
« Ma médecine naturelle Reiki est originale car elle est basée sur l’intelligence intuitive de l’univers. Ce n’est pas une construction mentale humaine. Par ce pouvoir, le corps demeure en bonne santé et en tire joie de vivre et paix intérieure ».
 
Cette « intelligence intuitive de l’univers » est nommée dans le Bouddhisme, et notamment le Zen qui se place dans la perspective de cette doctrine particulière du Bouddhisme : « Prajnaparamita », la sagesse transcendante. Il est donc temps de consacrer un peu de temps à étudier cette force à laquelle Mikao Usui attribue sa révélation du Reiki. D’autant qu’un tel concept est absent du Shintô ; ce qui invalide la prétention de certains commentateurs à voir dans le Reiki un pur produit de la religion originelle du Japon. Nous y reviendrons ; la question étant ouverte.

La sagesse transcendante, base du Reiki.

La sagesse transcendante, qu’évoque Mikao Usui comme source du Reiki, est une des six vertus spirituelles consacrées par le Bouddhisme, et la plus élevée.

Elle est mise particulièrement en exergue dans le « Sûtra du Cœur », et a donné naissance à une école et une littérature propres au sein du Grand Véhicule , celle de la Prajnaparamita.

Voyons cela.

L’origine du terme Prajnaparamita.

Le terme de Prajnaparamita signifie à l’origine « capacité cognitive » ou « savoir-faire ». Il désigne la capacité à percevoir par intuition (sans construction intellectuelle) le phénomène de « coproduction conditionnée » (la manière dont les phénomènes sont liés, non distincts fondamentalement, tout comme les éléments d’un même aquarium participent à son équilibre), ainsi que l’absence de soi propre et le vide de toute chose. La nature construite des phénomènes et leur essence vide sont en effet au cœur de la doctrine bouddhique.

Toutefois, un abîme existe entre compréhension intellectuelle et réalisation spirituelle. En effet, seule une perception aiguë et simultanée de la double caractéristique des phénomènes permet d’atteindre la sagesse transcendantale (« jnana »). Comme son nom l’indique, cette réalisation transcende la conscience propre de soi (moi individuel, personnalité, ego) dans ce qu’elle a de fragmenté et d’étriqué.

Dans la perspective du Bouddhisme, le moi n’est plus alors une sorte de dieu permanent intérieur, comme nous le concevons en Occident, mais un ensemble d’éléments ; nous y reviendrons dans la partie consacrée aux sources bouddhiques du Reiki. La sagesse transcendante permet alors de démasquer ce phénomène qui est le moi, et en observer la cause à travers cinq « agrégats ». Ceux là-mêmes sont ensuite démasqués dans leur essence même, qui est vide.

Le mécanisme consiste alors à partir de la croyance d’un moi, à observer que le moi est en fait un agrégat d’éléments et que ces éléments sont eux-mêmes vides. Bien entendu, le moi « existe », et il se manifeste ; mais il « n’est » pas. C’est toute la différence entre notre existence en tant qu’individu, et notre essence ultime. Si nous nous plaçons du point de vue de l’existence, le moi existe. Si nous nous plaçons du point de vue de l’essence, ce que nous sommes doit être réalisé.

Cette notion est un peu abrupte au premier abord et voici une explication imagée qui parle mieux. Si vous regardez la rivière depuis la rive, vous ne distinguez qu’un seul méandre. Si vous vous élevez, vous en discernerez plusieurs, puis tous les affluents de la rivière. Si vous continuez votre élévation, vous en arriverez à voir que par de là les montagnes, toutes les rivières se rassemblent en un seul océan, mélangeant leurs eaux indifféremment.

Le regard qui s’élève au-dessus est votre prajna, votre sagesse transcendante. Ce même regard, une fois arrivé au sommet où l’on distingue rivières et océans dans leur unité, est dit « jnana », connaissance transcendantale. « Là » toutes les différences sont unies en un seul et même tout. Il en résulte alors une infusion de sagesse, qui transcende les oppositions. Le monde n’est alors plus perçu dans notre dualisme habituel (bien/mal), mais comme un ensembe de corollaires (jour/nuit, anabolisme/catabolisme, vie/mort) créant cet équilibre que nous nommons « la vie ».

Le texte de référence de cette doctrine au sein du Bouddhisme, mais qui est aussi très présent dans le Zen, est le « Sutra du Cœur ». Il n’est pas pensable d’en faire ici une exègèse, même succincte. Toutefois, nous allons donner quelques indications.
 
Le texte du Sutra du Cœur.

En voici le texte :

« Quand Kannon Bosatsu s’engagea dans la pratique de la sagesse intuitive transcendante, la Prajnaparamita, il perçut la présence des cinq agrégats  composant le moi et se rendit compte que leur nature essentielle était d’être vides.

Ô Sariputra, ici la forme est vide et la vacuité devient forme. La forme n’est rien d’autre qu’un des modes de la vacuité ; ici, la vacuité n’est rien d’autre que formes. Ce qui est forme est vide ; ce qui est vacuité devient forme. La même chose peut être dite de tout autre des cinq agrégats, en plus de l’agrégat de la forme : la sensation, la perception, les facteurs d’existence et la connaissance discriminante.

Ô Sariputra, ici, la caractéristique de toute chose : c’est le vide. Elles ne sont pas nées donc elles ne seront pas anéanties ; elles ne sont pas entachées car elles ne sont pas immaculées ; elles ne croissent pas car elles ne décroissent pas non plus.

C’est pourquoi, ô Sariputra, dans le vacuité, il n’y a pas de forme, pas de sensation, pas de perception, pas de facteurs d’existence, pas de connaissance discriminante. Pas de perception, car pas d’organes des sens comme les yeux, les oreilles, le nez, la langue. Pas de facteurs d’existence, car pas de corps, ni même de psychisme individuels. Pas de connaissance discriminante, car pas de forme, pas de son, pas de couleur, pas de goût et pas de toucher. Pas de corps, car pas d’objet et donc pas de vision du monde.

Ceci réalisé, nous allons au delà du monde de la conscience individuelle, où il n’y a pas de savoir et non plus pas d’ignorance, vers un endroit sans vieillesse et sans mort, sans extinction de la vieillesse, ni cessation de la mort. Il n’y a pas là de souffrance, pas de cumul, pas d’anéantissement, pas de sentier. Il n'y a pas là de savoir, pas de fruit du savoir, et pas de réalisation à obtenir, car il n’y a pas d’aboutissement.

Dans la conscience du Bosatsu qui s’appuie sur la Prajnaparamita, la vertu de sagesse intuitive transcendante, il n’y a pas d'obstacle ; et en allant au delà des vues perverties, il atteint le Nirvana final, la cessation totale de toute existence ego individuée Tous les Bouddhas des trois temps, passé, présent et futur, appliquant la Prajnaparamita, atteignent les plus hauts degrés de l’Illumination.

C’est pourquoi chacun doit savoir que le mantra de la Prajnaparamita est le plus grand ; le mantra sans égal capable d'abolir toute souffrance. Ce mantra est vérité parce qu'il est sans falsification. C’est le mantra perçu en état d‘intuition de sagesse transcendante et il dit :
« Gate, gate, paragate, parasamgate bodhi svaha ».

Par lui, c’est l’essence même de notre cœur qui est emportée sur l'autre rivage, sur les rives de l’Eveil spirituel, et au-delà même de ce rivage ».

Quelques explications sommaires.

Le texte du Sûtra du Cœur, qui est réputé comme le niveau de compréhension le plus élevé de l’enseignement, paraît abrupt et fou, pour un non-bouddhiste. Il est vrai qu’il reprend tous les concepts du Bouddhisme pour les nier en les ramenant à un niveau de compréhension ultime, qui les transcende et où ils n’ont plus d’utilité. Ils sont des moyens qui ont été simplement abandonnés une fois le chemin parcouru. C’est en ce sens que le Bouddhisme n’est qu’un moyen, un médicament prescrit pour combattre la maladie. Une fois la santé rétablie, il doit être abandonné sous peine de rendre de nouveau malade.

Nous verrons plus loin, à propos des sources bouddhiques de Mikao Usui, ce qu’il en est de ces concepts dans le Bouddhisme classique, où ils sont des moyens de progression vers la libération du cycle des existences. Pour l’heure, il nous paraît utile de donner quelques explications sur la sagesse transcendante.

Le Professeur R. Tajima de l’université Taisho de Tokyo soulignait le caractère central de la Prajnaparamita dans l’ésotérisme nippon (le « Mikkyo , dont il est parfois écrit que Mikao Usui était un savant) :
« Le profane semble parfois nourrir l’impression que le Bouddhisme Shingon n’est qu’une autre forme de l’étrange Bouddhisme tibétain ; certains se le représentent comme un pur ritualisme basé de folles croyances ; d’autres comme l’interprétation mystique d’une mythologie. Mais le Mikkyo orthodoxe s’attache au contraire à considérer dans un esprit positif des faits positifs. Si on étudie en détail la pensée profonde du Dainichi-kyo, on remarquera qu’elle est pénétrée des idées que l’on connaît par les principaux livres du Mahayana : le Saddharmapundarika-sûtra, l’Avamtasaka-sûtra, le Prajnaparamita-sûtra. Le Dainichi-kyo est l’aboutissement d’une pensée religieuse, dont ces sutras célèbres représentent les étapes antérieures  ».
Voyons donc brièvement à la suite ce qu’est cette doctrine de la vacuité et la technique de sagesse qu’elle promeut ; et comment elles interviennent dans le Reiki.

 

La vacuité.

Dire qu’une chose est « vide » ne signifie pas qu’elle n’existe pas du tout ; ce qui serait une vue nihiliste rejeté comme erroné par le Bouddha. Tout de même et pourtant, bien que cette chose existe, elle n’est pas vraiment comme nous pouvons le croire en lui attribuant une entité (c’est à dire le fait d’être) fondamentale ; ce qui serait une vue éternaliste rejetée également comme erronée par le Bouddha. Dire qu’une chose est vide consiste à se placer dans la voie du juste milieu enseignée par l’Eveillé, engendrant sa compréhension juste. Voici comment au travers de trois exemples simples.

Du fait de l’impermanence (rien ne dure, tout est soumis au cycle d’apparition, maintien, dissolution, transformation), une chose se recombine constamment. Cela reste vrai si nous nous plaçons du point de vue de la biologie, de la chimie ou de la Physique quantique.

Par exemple, toutes les cellules de notre corps auront été remplacées par de nouvelles avant sept ans. A chaque instant, les molécules de notre corps naissent, vivent, meurent et sont remplacées par de nouvelles. Les particules et les ondes observées à l’intérieur des atomes constituant notre corps surgissent et disparaissent elles aussi. Il n’y a donc rien de fixe qui puisse être vu comme notre corps ; car notre corps est un processus en cours.

En conséquence, le mot « corps » est quelque chose de vide en soi. On ne peut dire d’une manière fixe, c’est mon corps. On peut juste dire ce processus s’appelle corps, et c’est le mien. Par commodité de langage, nous ne le faisons pas et introduisons donc une certaine permanence du corps, qui n’existe pas dans la réalité. Nous avons ainsi oublié le caractère vide d’existence propre de notre corps, pour croire en l’existence d’un corps permanent. Sur cette base, nous ne réagirons pas de la même manière. Si le corps est un processus, il peut être guéri. S’il est une entité, tout ce qui l’affecte, affecte profonemment notre conscience. Lorsque nous accèdons à Jnana, la connaissance transcendantale, nous pouvons développer suffisamment de Prajna, la sagesse transcendante, pour affronter différemment les événements.

Autre exemple, je perçois mon sang comme rouge car cette couleur du spectre lumoneux n’est pas absorbée par sa composition chimique et m’est donc renvoyée. Mon sang n’est donc pas rouge … mais, plus exactement, me renvoie la couleur rouge. Je ne percevrais que du noir ou blanc selon qu’aucune ou toutes les fréquences du spectre lumineux me seraient renvoyées. La substance de mon sang est un filtre subtil décomposant la lumière en couleurs. En poussant cette conception plus loin, de même, rouge est quelque chose qui m’est renvoyé lorsque je contemple la réalité de ce que j’appelle mon sang. Je ne peux donc pas dire : ceci est le rouge. Il n’y a donc rien de fixe qui puisse être vu comme rouge ; car rouge est un processus, quelque chose de vide.

Dernier exemple, la couleur est également l’idée que je me fais d’elle. Selon mon état émotionnel, je la vis comme belle ou laide, agréable ou non … sans que celle-ci n’en soit pour autant changée. En tant qu’idée et sensation du moment, la couleur rouge est donc ma création psychique. Quelque chose de vide.

Mon corps, avec son sang rouge, est donc au moins un processus et une idée ; vide de toute entité propre dont on puisse dire de façon sûre : ceci est mon corps, avec mon sang, qui est rouge. Pour la cosmogonie bouddhique, qui étend cette analyse, toute chose est composée d’un certain dosage de chacun des cinq éléments surgis du vide initial dans le processus de cosmogénèse.

L’image est la même pour l’analyse du moi. L’enseignement fondamental du Bouddha est que ce dernier doit être compris comme une dynamique constituée de cinq agrégats, repris ici dans le Sutra du Cœur : la forme corporelle, la perception que nous en avons, la sensation que cette perception produit, les réactions (moteurs d’existence) que cette perception éveille en nous (les vents karmiques, dans le contexte tantrique) et la connaissance discriminante du monde qui en résulte. On retrouve cette énumération dans le Sutra du Cœur, et le texte va même au-delà en disant que, certes notre moi est un pentagramme de forces, mais ces forces elles-mêmes sont vides. Pour développer la sagesse transcendante (Prajna), il faut aller au-delà de la simple connaissance (Jnana) des cinq agrégats. Il convient d’en faire l’expérience et c’est ce que proposent les ascèses méditatives comme celle que Mikao Usui entreprend sur le mont Kurama. Elles créent un temps de vide dans notre existence, où quelque chose de spirituel peut survenir, qui balaie nos conceptions habituelles.

Le seul aspect concernant l’existence d’une chose, y compris nous-mêmes, et qui ait une réalité absolue, est donc le vide ; vide que nous désignons dans notre langue par le terme de « vacuité », repris dans cette version du Sûtra du Cœur.

Dans le Bouddhisme tantrique du Tibet, dix huit manières ou niveaux ont été imaginés pour permettre de percevoir la vacuité d’un phénomène. Le Zen se contente, sans texte, ni concept, de fixer l’attention du méditant sur ce vide, dans la technique bien connue du Zazen, qui consiste à observer l’espace devant soi en posture du lotus. Toutefois, ce n’est pas le seul outil que le Bouddhisme utilise pour comprendre la réalité véritable ou ultime du monde.

Au-delà du vide, sur les rives de l’Eveil.


Dans le Tantrisme, la réalité ultime de notre conscience n’est pas seulement vide, comme nous venons de le voir, elle est aussi indissociablement clarté et félicité . En effet, le Bouddhisme n’est pas une doctrine nihiliste : s’il insiste sur la vacuité, c’est pour amener le méditant dans un état de perception qui va au-delà des phénomènes et au-delà du vide perçu en les contemplant.

La perception d’une clarté et d’une félicité au-delà du vide est nommée dans le Zen : « satôri », l’illumination spirituelle. Lorsqu’il est atteint, le méditant obtient une vision claire de son rôle au sein de l’ensemble des liens d’interdépendance des êtres. Il a alors l’intuition de sa « mission », c’est à dire du sens de son existence.

De là, son état subtil change, avec une effet de maturation de son système hormonal. Cette maturité est rendue en Occident par le terme d’oint (« christos » en grec), les différentes glandes de l’organisme fonctionnant alors en synergie avec le cosmos, pour produire des substances corporelles (hormones et phéromones) spécifiques. Ces substances sont susceptibles d’influencer autrui et sont donc communiquées, physiquement ou symboliquement, lors d’onctions rituelles et d’impositions des mains.

Il arrive que, parvenu à ce niveau de progression spirituelle, le méditant développe ce que le Bouddhisme appelle les « siddhi », c’est à dire des pouvoirs surnaturels (pour le commun des mortels), notamment la capacité de guérison. Le pouvoir ainsi acquis est alors transmis à autrui lors d’initiations. Le Reiki pourrait se placer dans cette perspective du Zen : Mikao Usui aurait obtenu un satôri lors de sa méditation à Kurama-yama, elle se serait manifestée comme un pouvoir de guérison surnaturel, qu’il aurait alors transmis à autrui.

Cette éventualité expliquerait le mode de transmission du Reiki et ses effets curatifs. Toutefois, Mikao Usui a nié cette éventualité dans son interview, il n’a pas reçu le Reiki. Il l’a au contraire resituée en termes bouddhistes en indiquant qu’il en avait eu la réalisation spontanée, cette capacité résidant en lui de toute éternité :
« Question. Des gens pensent que le pouvoir de guérison n’est accordé que comme un « don du Ciel », pas après un training. Qu’en est-il ?
Mikao Usui. Non, c’est inexact. Tout être a un pouvoir de guérison. Les plantes, les arbres, les animaux, les poisons, les insectes, et spécialement l’homme qui a une place un peu à part dans son environnement. La méthode de soin naturel Usui aide à manifester ce pouvoir inhérent à tout être humain (...) Tout homme, femme, enfant, jeune ou vieux, tout le monde peut recevoir l’initiation de Reiki, soigner autrui et se soigner (...) On peut penser que ce n’est pas envisageable d’acquérir un tel pouvoir en peu de temps, pourtant, nous le faisons et avec raison ».

Ainsi, le satôri n’apporte rien d’extérieur à l’homme, rien de surnaturel, ce que confirme la doctrine bouddhique. L’illumination a pour effet de réintroduire l’homme dans son état naturel de nomade, perdu lors de la sédentarisation. Le Taoïsme souligne d’ailleurs cette perte de la capacité naturelle à guérir dans un de ses ouvrages fondateurs de sa médecine. Mikao Usui aurait ainsi retrouvé cette capacité et décidé de la partager avec autrui.

Il indique d’ailleurs cette intention dans l’introduction à son manuel de soin :
« (…) j’ai demandé à ma famille de ne pas garder cette méthode pour elle seule, comme c’est normalement le cas au Japon où les secrets se transmettent seulement au sein du clan. Ma méthode de soin naturel est originale, elle n’a rien de comparable dans le monde ».

Il est vrai que le Huang Di Nei Jing, fondement scriptural de la médecine chinoise compillé au 3ème siècle avant l’ère chrétienne, fait déjà allusion à cette problématique. Fidèle au mode littéraire antique du dialogue, il met en scène l’empereur Huang Di et son médecin, Tchi-Bo. Au chapitre 13, le « Wang » demande à son « Wu-Yi » :
« Il est dit que les Anciens bannissaient les maladies par des invocations permettant de déplacer les essences neurales et de transformer les souffles internes. Pourquoi doit-on de nos jours recourir à une pharmacopée contre les troubles organiques et aux aiguilles contre les maladies exodermes, et ce souvent sans le moindre résultat clinique ?
Tchi-Bo répond :
« Nos ancêtres avaient une vie comparable à celle des animaux migrateurs. Ils se protégeaient des rigueurs hivernales et des chaleurs torrides par une vie nomade. Ils n’avaient pas d’obligations inhérentes à celles qu'imposent nos demeures, ni aucune charge sociale pesante. A cette époque, les perversions n’avaient que peu d’emprise sur eux ; médicaments et acuponcture étaient peu utiles. Par de simples invocations rituelles, le médecin remettait en mouvement les essences neurales  pour produire la guérison. A présent, les soucis domestiques assombrissent la vie privée et le travail endommage le corps. L’exposition inconsidérée aux intempéries affaiblit du matin au soir le système immunitaire. Les souffles viciés de l’environnement influencent négativement jusqu’aux intestins et à la moelle des os, non sans avoir au préalable lésé les orifices sensoriels et la peau. De la sorte, la moindre maladie se trouve aggravée et est susceptible de conduire à la mort  ».

La possibilité de retourner à cet état initial et naturel, où l’homme a la capacité de se guérir lui-même est indiquée par Jean-Pierre Krasensky, maître taoïste Ch’an du Courant de la Montagne d’Or au Temple de la Porte de Dragon. Interrogé sur la définition de l’alchimie interne taoïste et sa capacité à réintroduire l’homme dans son état primordial, il l’a définie comme suit :
« Depuis la nuit des temps, l’alchimie interne est une pratique prisée par les sages taoïstes. Le but de ces pratiques, où le Jing, l’énergie sexuelle a un rôle prépondérant, est d'atteindre l’immortalité par la réalisation spirituelle de l’ici et maintenant … Le premier travail de l’adepte va consister à préparer son laboratoire, travail qui se fait selon les principes de la méditation telle que l’ont enseignée les maîtres du Bouddhisme Ch’an à leurs élèves depuis des millénaires. Cette pratique de la méditation doit conduire progressivement l’adepte à l'état de Wou-Wei, non-être non agir, état où le temps et l'espace n'ont plus d'existence réelle ». 

On retrouve ici la doctrine du vide et du non agir du Zen. Il semble bien que le Reiki soit une expression de cette dynamique, comme le confirment d’autres éléments de la méthode de Mikao Usui.

Ainsi, dire qu’une chose est vide, mais aussi claire et heureuse en elle-même, indique en conséquence qu’elle est ainsi une dynamique dénuée de toute existence autonome et propre, sans falsification, ni source de souffrance aucune. La maladie psychique, qu’est l’absence de compréhension du sens de son existence, est un des symptômes, dont souffraient Mikao Usui, et qui a été dissipée par son satôri de Kurama.

Il indique d’ailleurs, toujours en introduction à son manuel de soin :
« Ma médecine naturelle Reiki est originale car elle est basée sur l’intelligence intuitive de l’univers. Ce n’est pas une construction mentale humaine. Par ce pouvoir, le corps demeure en bonne santé et la conscience en tire joie de vivre et paix intérieure. De nos jours, les gens ont besoin tant de réussite et d’équilibre extérieurs qu’intérieurs. Pour cette raison, j’ai décidé de la révéler pour qu’elle vienne en aide à ceux dont le corps ou le psychisme sont malades ».

L’analyse bouddhique, en vérité, va au-delà d’un réveil de nos capacités naturelles à nous guérir et saisir le but de notre existence. Les phénomènes du monde sont décrits comme dépendant les uns des autres (théorie de l’interdépendance des phénomènes ). En les observant comme des agrégats des cinq éléments , eux-mêmes surgis du vide originel marquant le début du processus cosmogonique, nous libérons les phénomènes de nos concepts et projections habituels, de notre confusion.

Ainsi libérés, nous touchons du doigt notre manière discriminante et subjective de concevoir le monde et donc notre ignorance fondamentale de ce qu’il est en réalité. Nous pouvons alors substituer la connaissance à cet ensemble d’habitudes, que nous mettons en œuvre pour masquer notre ignorance.

Cette connaissance n’est pas livresque ou conceptuelle, elle obtenue par la pratique de la méditation et l’apparition de la vertu de sagesse transcendante. Cessent alors les vues perverties comme la croyance en une existence ego-individuée (le moi et les autres sont absolument distincts), la sensation des trois temps (ma vie du présent, mes vies du passé et du futur), nos falsifications (nos stratégies pour nous affirmer et faire « notre vie » dans le sens du samsara ) … et donc toute souffrance. Le bonheur en résulte en tout temps, en tout lieu et en tout acte.

Ce processus reprend les trois ultimes expériences vécues par le Bouddha lors de son Eveil final. Cet état de conscience de la Prajnaparamita peut être obtenu, selon la technique bouddhique, par la méditation de mudras (avec yidams), de mandalas (avec yantras) et de mantras (avec bijas).

Le texte donne un des mantras permettant de faire surgir cette intuition transcendante et, de là, le nirvana :
« Gate, gate, paragate, parasamgate bodhi svaha ».

Dans le courant de cette ligne doctrinale, Mikao Usui nous a légué plus modestement une pratique d’imposition des mains et un ensemble de techniques curatives ainsi qu’un petit code éthique. Elles nous permettent d’aller au-delà de ce que nous pensons « la maladie », à laquelle nous attribuons une existence propre.

Or, la maladie est l’absence de santé. Elle est le symptôme que la dynamique de la vie s’est interrompue ou est altérée. Dans la conception bouddhiste, la maladie n’existe pas en soi, elle indique que le flux de la vie, dans le corps, est interrompu (et c’est la mort à plus ou moins long terme), ou tout du moins altéré.

Le soin de Reiki vise alors à rétablir ce flux. Comment s’opère ce rétablissement, c’est le site de Kurama-yama qui pourrait bien en donner la clef, car il est entièrement consacré à ce thème de réflexion. C’est là un fait curieux mais rigoureusement démontrable.

Nous allons donc tout d’abord nous intéresser au lieu de découverte du Reiki, puis de manière plus approfondie aux possibles sources shintoïstes auxquelles Mikao Usui aurait puisé. En effet, s’il y a pratiqué le Zen, le site était à son époque consacré au Shintô, avant d’être remanié de manière syncrétique après 1949. 


2. Le site de Kurama-yama.

 

De nombreux éléments du site de Kurama-yama sont assez intéressants pour notre analyse du Reiki au regard de la retraite de Mikao Usui ; notamment le groupe des « Trois Sonten de Kurama-yama », le sanctuaire de Mao-Son et la présence millénaire des ascètes du Shugen-do.

Le site se situe à quelques kilomètres de Kyoto, formant une montagne (« yama ») en forme de scelle de cheval (« kurama »), culminant à 542 mètres. Le premier temple bouddhiste y a été construit vers 770 par le moine Gantei, venu du sanctuaire Toshodaï-ji de Nara (capitale impériale de 710 à 784) et après qu’il ait vu dans un rêve le dieu-gardien Bishamon-ten  l’y inviter.

Dès l’origine, le site passe donc sous la responsabilité du Bouddhisme. C’est encore le cas de nos jours. Il a été rebâti suite à un incendie pendant la guerre et est devenu indépendant en 1949. Il est administré par une école shintô-bouddhiste syncrétique du nom de « Kurama-kokyô ». Cette lignée de transmission remonte à un compagnon du Bouddha appelé « Pindola Bharadvaja », ou « Binzuru-sonja » au Japon. Il est considéré comme le détenteur de pouvoirs occultes, notamment de guérison. Il est assez curieux qu’à Kurama cette école se réclame également du Shintô, pour former un culte syncrétique, et intègre même un musée scientifique des origines et des œuvres d’artistes modernes. C’est le Japon dans toute sa singularité, où tradition et expressions individuelles dignes d’intérêt se côtoient en harmonie.
 
En effet, le mont Kurama est considéré comme la résidence des premiers dieux du panthéon shintoïste. Il y apparut, il y a plus de 6 millions d'années, sous la forme d’un homme déhanché, pic à la main : Mao-son ou Mao-den, « le grand roi conquérant des démons et des esprits de la terre ». Mao rappelle la figure chrétienne de St Michel, le gardien de l’ordre cosmique (et donc de la manière correcte de se civiliser / sédentariser). Il s’y oppose alors à un autre ange, du nom de Lucifer, aussi appelé le « maître de ce monde ». Le personnage du monothéisme, chargé par Dieu de créer la Terre, est réputé ne pas avoir toléré la présence de l’homme, vecteur selon lui de chaos, et serait decidé à le perdre.

Nous sommes au cœur de mythes anciens, qui sont communs à toute l’humanité de l’hémisphère nord. L’homme y est vu comme un produit extérieur, « créé  » de toutes pièces par un démiurge, et peu adapté à la vie naturelle. Dans le Shintô, c’est ainsi Mao-Son, un dieu  descendu de Venus sur le mont Kurama, qui apporte la sagesse à l’homme, alors dans un état d’anarchie criminelle. Il est le fondateur de la dynastie impériale et donc de la civilisation nippone.

Par la suite, le mont Kurama devint la résidence de Bishamon-ten, le dieu gardien du paradis bouddhiste du nord, qui est le lieu d’éternité des ancêtres vertueux dans la religion des Terres Pures (un des cultes du Tendaï, que nous aborderons plus loin dans la partie consacrée aux sources bouddhiques du Reiki, et qui vise à réintégrer le défunt dans un paradis post-mortem).

En 796, un moine chargé eut une vision de Senju Kannon (« Kannon aux 1000 bras », l’incarnation de la compassion au cœur du Bouddhisme du Grand Véhicule), le bosatsu d’Amida (le Bouddha de l’Ouest), et décida de construire sur Kurama d’autres bâtiments ; donnant plus d’ampleur au lieu saint. 
 
A l’époque de Mikao Usui, la montagne sacrée n’est plus le lieu de vilégiature de la cours impériale de Kyoto, qui a été déménagée à Tokyo lors de la révolution meijiste. Divers sanctuaires actuels y sont déjà présents, notamment des stèles dédiées au pratiquant d’arts martiaux Miyamoto-no-Yoshitsune, le premier « shogun » ( ?-1189).

Il faut savoir que, dans les années 1930, le mythe de la « transformation » de Yoshitsune en Gengis Khan fut une façon comme une autre, pour les extrémistes du nationalisme japonais, de s’approprier la gloire du célèbre conquérant mongol d’autrefois et ainsi d’asseoir leurs revendications territoriales en Asie continentale (Corée, Mandchourie, Chine et Mongolie). Le site était alors un lieu d’inspiration pour les pratiquants d’arts martiaux et les nostalgiques des temps anciens. Un lieu d’hommage au Samouraï est toujours présent de nos jours à Kurama, ainsi que divers autres petits monuments le concernant.

Est-ce là la raison pour que Mikao Usui, descendant de célèbres samouraïs, y pratique son ascèse spirituelle ? Quoi qu’il en soit, le lieu est lié au mythe impérial nippon. Il constitue la continuité du jardin impérial de Kyoto et abrite divers symboles légitimant l’Empereur. Le chemin entre la nature sauvage de la montagne et le palais est d’ailleurs ballisée de bornes de pierre, sur lesquelles apparaissent les idéogrammes des cinq Eléments (ici sur le mode du nomadisme).

Le point ultime du cheminement entre le palais et Kurama-yama est le sanctuaire de Mao-Son, où certains éléments cultuels ne sont pas sans évoquer le Reiki. Voyons cela.
 
Le Sonten de Kurama-yama.

Le site de Kurama n’est pas à proprement parler strictement dédié au Shintô avant guerre. Divers symboles y rappellent de nos jours tout de même le culte impérial shintoïste, mais les éléments bouddhistes sont dominants. Par exemple, la mère du premier empereur mythique, la déesse solaire Amaterasu-omikami, est réapparue sur le site de Kurama-yama, après la seconde guerre mondiale, sous les traits féminins et bouddhistes d’une statue de « Kuannon-Bosatsu ».

Cette Kannon, une forme féminine d’un des acolytes du Bouddha de la compassion (à l’Ouest), Mao-Son, le kami shintô de Vénus venu à Kurama fonder l’institution impériale, et Bishamon-ten, le guerrier bouddhiste sont alors regroupés en une triade (le groupe des « Trois Sonten de Kurama-yama »). Le culte en est organisé par la secte Kurama-Kokyo (depuis 1949). Ces divinités forment une seule énergie, dont elles sont les trois hypostases. Selon cette école, elles incarnent « la Reine du Ciel » (Hannya Bosatsu), qui serait la forme japonaise de la Prajnaparamita, la sagesse transcendante. On retrouve donc ici la divinité, ou plutôt vertu, à laquelle Mikao Usui attribue l’effet du Reiki. Nous avons abordé cet aspect plus haut.

La prière adressée au Sonten de Kurama-Yama est la suivante :
« Comme la luminance des rayons de la Lune est la compassion de Senju Kuannon (en sanscrit, Avalokitésvara).
Comme la radiance du soleil est la lumière de Bishamon-ten (Vaishravana).
Comme l’imminence (la pulsion vitale) de la Terre est la force de Mao Son (Mashasthamaprapta).
Ces trois divinités forment une seule énergie et c’est elle, la Reine du Ciel (Hannya Bosatsu, incarnation de la Prajnaparamita).
Puisse t-Elle élever notre conscience et augmenter notre richesse et notre gloire (spirituelles). Belle comme l’astre lunaire, Chaleureuse comme le Soleil, Puissante comme la force vitale de la Terre, ô Reine du Ciel, accordez-nous Votre bénédiction. Hum ! Qu’en notre chakra secret ( le sexe ), Votre paix surmonte nos pulsions. Tram ! Qu’en notre chakra du nombril, Votre générosité conquière notre avidité. Hrî ! Qu’en votre chakra de la gorge, Vos mots sincères éloignent notre tromperie. Ah ! Qu’en notre chakra du front, Votre respect de tout être vainque notre orgueil et les insultes. Om ! Comblez nos esprits de joie, élevez nos âmes et remplissez nos corps de splendeur. Reine du Ciel, Grand Esprit de l'Univers, Claire-Lumière-Fondamentale, Cause Première et Sapientielle, accordez-nous, à nous qui nous sommes rassemblés pour Vous célébrer, à ceux qui cheminent pour se joindre à votre cœur, une force de Vie Infinie car, Reine du Ciel, toute chose ne procède spirituellement que de vous ».

Cette prière met en avant les trois qualités « shambogakaya » (psychiques) des Bouddhas, que nous avons envisagé sans les nommer à propos de la doctrine de la vacuité présentée au Sûtra du Cœur (voir plus haut) :
- l’imminence (la capacité à rendre accessible spontanément le domaine transcendant du Dharmakaya, la loi bouddhique, à partir du vide) ;
- la radiance (la capacité à faire irradier ses qualités sur autrui, pour produire de la félicité) ; et
- la luminance (la capacité à les rendre visibles sous la forme de phénomènes lumineux, comme les apparitions de divinités et de sphères colorées, pour produire de la clarté mentale).

La prière énumère également un certain nombre d’autres notions abordées ou que nous aborderons au cours de notre étude des cinq Principes du Reiki, comme les cinq sons directionnels de l’espace et les cinq centres subtils du corps. Nous sommes là au cœur de la science ésotérique, le Mikkyo, qui semble envelopper de son mystère tout Kurama-yama.

Sur le site et près de l’autel de la divinité bouddhique Jizo (le gardien de la Terre), un mont Méru miniature en bronze, cerclé de trois anneaux d’argent, symbolise les trois attributs de Mao-Son, un des aspects de la Triade : le Pouvoir, l’Amour et la Lumière, en relation avec la Terre, la Lune et le Soleil.

Lorsque le temps est humide, l’effet de pointe qu’il met en scène produit un feu de St Elme, une lumière spontanée et surnaturelle, et les anneaux se mettent à vibrer. L’effet produit sur le méditant est réputé mener à l’Eveil bouddhique (le satôri), par effet de synthonie avec le monument , ou tout du moins produire un effet d’exorcisme et de guérison.

La montagne Kurama réserve encore bien d’autres curiosités.

Mao-Son.

Kurama-yama est réputée avoir été le lieu de la descente de Vénus sur Terre du kami Mao son, qui y engendra d’ailleurs « toutes  les créatures » et y fonda l’Imperium nippon. Les astres solaire et vénusien se trouvent ainsi liés au culte des origines à Kurama, pour irradier lumière et ordre, vecteurs de la vie et donc de la guérison des malades. Le site a d’ailleurs été consacré au Bouddha de médecine à l’époque féodale, où la Cour impériale se situait à Kyoto (dans la continuité de la montagne). 

Ce même Mao Son apparaît dans divers textes orientaux dont la prière du Sonten et une anthologie chinoise, trouvée au Japon, racontant la conversion d’un monarque du temps jadis au kami de Vénus et les effets miraculeux qui en résulta :
« La planète Vénus dresse d’elle-même un portrait haut en couleur : bodhisattva doté des cinq pouvoirs magiques, Vénus (en chinois, « le Grand Blanc ») est la plus puissante parmi les cinq planètes :
« Mes pouvoirs magiques brillent parmi les immortels, je dirige les affaires des dieux et des hommes partout dans le ciel : les calamités dans le royaume, la durée de la vie humaine, longue ou courte, le yin et le yang, les transformations du destin, les livres de présage et les écrits prophétiques, la corruption et la droiture, le balayage des calamités et l’élimination des méchants, ainsi que le degré de rétribution des actes. Tout cela est de mon ressort  ».

En effet, la redoutable planète Vénus, très virile pour les Chinois, patronne de la guerre plutôt que de l’amour, a pris en pitié l’humanité souffrante, à une époque où le moindre mérite dans des vies antérieures suffit pour une renaissance comme roi ; les hommes sont ainsi gouvernés par des souverains de peu d’intelligence qui ont l’esprit obscurci.
« C’est comme si un idiot essayait de passer par une route périlleuse de montagne dans un char cassé tiré d’un buffle lent, dit le texte. Le roi qui entend la dharani révélée par Vénus se réformera complètement, devenant un souverain bouddhiste modèle. Il s’attira ainsi une formidable protection astrale, son intelligence s’améliorera et son royaume deviendra florissant  ».

Au sommet de Kurama, près d’une forêt de cédres aux racines apparentes et qui barrent le chemin, un petit sanctuaire (appelé « Okunoïn Mao-den ») est légitimement consacré à ce Mao Son, kami de Vénus. Derrière le portail d’entrée qui initie le chemin permettant de sy rendre, un cèdre sacré millénaire est frappé d’un idéogramme chinois, identique au symbole « Dai-Ko-Myo » manié pour l’initiation au Reiki.

Dans le sanctuaire, trois syllabes sanscrites (ce ne sont donc pas des idéogrammes) y sont placées sur des panneaux de bois. Ces signes sont nommés et prononcés respectivement :
- « Chakara » 力 (pouvoir), ici « Ham » (en japonais, « Kan ») et associé à la divinité nippone Fudo / indienne Vajrapani ;
- « Kokoro » 愛 (cœur ou amour), ici « Hrîh » (en japonais, « Kirikou ») et associé à Amida / Amitabha ;
- « Hikari » ライト (lumière), ici « Vai » (en japonais, « Bhai ») et associé aux divinités Baishamon-ten / Vaishravana, voire Monju / Manjusri ou Yakushi Nyoraï / Baishaijyaguru, le Bouddha de la médecine.

Le caractère sanscrit de l’amour apparaît sur l’autel cultuel de la famille Usui à Tania. Les ancêtres de Mikao étant dévots du Bouddhisme Tendaï, Hrih est alors le signe de leur reconnaissance du Bouddha Amida comme guide suprême. En conséquence, les symboles de Mao Son et ceux de ce culte ancestral, pas toujours bien compris faute de cadre intellectuel de référence, ont fait couler beaucoup d’encre dans la communauté Reiki et ont donné lieu à des interprétations manquant de rigueur scientifique.

Toutefois, les similtudes ne s’arrêtent pas là. Une pantacarte de bois à l’Okunoïn Mao-den, en plus de celles où sont affichés les trois symboles derrière la divinité vénusienne (voir plus haut), indique :
« Ici s’est posé l’esprit de Mao-Son, pour aider les hommes et engendrer la paix sur Terre. Lorsque les sages font en eux le calme nécessaire à l’audition des sons de la création, la nature leur enseigne la grandeur de ses voies. En ce lieu saint, nombreux sont ceux qui y ont reçu les réponses à leur quête de sens sur leur identité et la réalité de leur rôle au sein de ces voies de la nature. Protégés par les grands arbres au vert profond, les méditants peuvent se connecter au monde mystérieux et invisible, qui sous-tend l’univers depuis des millions d’années ». 
 
Les prêtres du Temple considèrent la châsse de Mao-Son comme le lieu le plus sacré du sanctuaire. Les blocs de pierre entourant la châsse cubique apparaissent comme les rebus, rejetés par le kami lorsqu’il ordonna le monde nippon comme un bâtisseur taille un bloc. Ils la mettent en relation avec la dalle sacrée sur le plateau, sous laquelle repose les textes sacrés du Bouddhisme et du Shintô. Elle est sensée être l’endroit même où le kami posa le pied, en venant de Vénus.  

Diverses indications données par Hawayo Takata sur la retraite de Mikao Usui, et qu’elle n’a pu ici inventer de toutes pièces, décrivent les alentours de ce sanctuaire dédié à Mao-Son. Nous en sommes venu à nous demander s’il n’y avait pas un lien entre la religion de Kurama, apparue sur le site en 1949, et le Reiki ; l’un et les autres pouvant être les aspects respectivement exotérique (religieux) et ésotérique (initiatique) du même culte shintoïste et bouddhiste autour de l’Empereur (présent avant le néo-Shintô de Meiji, à l’époque où la cour impériale résidait à Kyoto). Le texte de la pencarte semble également faire référence à la même quête que celle de Mikao Usui de trouver un sens à son existence. Est-ce un hasard ?

Il est donc tout à fait légitime de s’interroger sur les liens entre le Reiki et ces éléments syncrétiques. D’autant qu’une salle secrète sous le temple principal finit de jeter le doute sur la possibilité d’un lien entre le Reiki et la religion actuelle de Kurama.

 

La crypte de Kurama.

Du côté Est du Temple principal de Kurama, il faut passer une petite entrée, tourner à droite et descendre des escaliers ténébreux. On arrive alors à une porte sans lumière, fermée d’un rideau constitué de suspensions en métal doré. Passée la porte, des étagères, de chaque côté, sont encombrées d’urnes contenant les cheveux purifiés de défunts. 
 
Dans une sorte de grosse « loupe » apparaît un texte :
 « Offrez de l’encens pour la Délivrance des grandes âmes et des âmes plus humbles afin de vivre dans ce paradis intérieur qu’est l’Âme du Cosmos, la Grande Lumière, la Force agissante, et trouver en vous la clef de la Pensée Juste, par la purification des cheveux, ce Pont entre Elle et nous ». 

Ces indications rappellent certains éléments du Reiki, notamment les symboles utilisés pour l’initiation et les soins à distance, où l’on transcende les illusions pour accéder à la lumière originelle. Le thème des cheveux n’est pas propre au Japon, il incarne dans la Bible le siège de la force spirituelle (cf. l’épisode de Samson et Dalila). Dans le Bouddhisme, il est le symbole du lien étroit qui unit le fidèle et le Bouddha Amida, qui a fait vœu de sauver tous les êtres. Lorsque le feu de la fin des temps consummera tout, c’est en effet un chemin étroit comme un cheveu, que le croyant empruntera pour accèder au paradis de l’Ouest, dont Amida est le maître.

En attendant cette fin salvatrice, au fond de la crypte de Kurama, dans le noir profond, trois grandes statues de la Vénérable Triade apparaissent encore : le kami Mao-Son, le boddhisatva Kannon et le gardien Bishamon (c’est à dire la Triade vue plus haut).
 
Ce n’est toujours pas le seul secret du Palais des Urnes …

Sur le mur, une petite pancarte indique :
 « Le Palais des Urnes, où nous nous trouvons, illustre l’enseignement  de la Montagne du Cheval scellé (Kurama). Tous les êtres vivants, y compris l’humanité, sont des manifestations de l’Energie de la Vie et sont les créatures de la Grande Âme Cosmique.
Le Code Moral de Kurama-yama est le suivant :
« Sois reconnaissant envers toutes les créatures ;
et prend soins de toutes les formes de vie.
Vivons pleinement afin de nous améliorer et de faire évoluer nos vies  en accord avec la profonde et haute dignité qui est la nôtre,  en tant qu’aspects de la Grande Âme Cosmique.
A l’intérieur de ce Palais des Urnes, sont enchâssées trois Divinités ici honorées avec dévotion.
Les cheveux purifiés, placés ici autour des Divinités, sont les symboles de nos vies. Ils ne sont pas des reliques de morts ; mais de ceux qui ont incarné l’enseignement ci-dessus ».
 
Cette « Grande Âme cosmique », ici visée, est-elle « l’intelligence intuitive de l’univers », sur laquelle Mikao Usui indique avoir basé sa « médecine naturelle Reiki » ? Les liens entre la doctrine de l’Ecole syncrétique de Kurama-Kokyo et le Reiki sont tout de même frappants.

Et ces similitudes ne s’arrêtent pas ici, une horde de guérisseurs de tout poil a hanté le lieu dans les siècles précédents. On les rencontre encore de nos jours : ce sont les adeptes du « Shugen-do », les « Shugen-ja ».

 

Le Shugen-do.

Le quartier général des ascètes du Shugen-do se localise en effet et curieusement sur le même mont Kurama. Cette voie bouddhique consiste en la recherche, grâce à des pratiques (comme le jeûne) ou à des exercices (« shu ») en grande partie occultes, de pouvoirs naturels (« ken »). Le Shugen-do est donc l’ensemble des règles qu’il convient de suivre pour atteindre ce résultat ; les « Shugenja » sont les adeptes de cette voie mystique. On les appelle couramment aussi « Yamabushi no-gyoja », pratiquants qui couchent dans les montagnes, du fait de leur pratique principale. Cela rappelle bien l’expérience de Mikao Usui, sans pour autant conclure qu’il appartenait à cette école. Rien ne le prouve.

Le Shugen-do n’a jamais constitué une école indépendante. Ses adeptes relèvent soit du Shintô, soit du Shingon, soit du Tendai. Toutefois en raison de leurs rites particuliers, ils sont rattachés à des branches spéciales ayant leurs propres temples.

Le texte du « Shigisan Engi Emaki », qui leur fait référence, décrit ainsi les miracles de l’ermite shugenja du mont Shigi, Myoren, le plus fervent adorateur de Vaishravana et sa guérison miraculeuse de l’Empereur Daigo (1288-1339), considéré comme un kami de son vivant et qui effectua de nombreux pèlerinages sur le mont Kurama. Les ancêtres de Mikao Usui seraient d’ailleurs liés à cette famille impériale.

Les études généalogiques effectuées par les étudiants du Gendaï Reiki au Japon laissent à penser, en effet, que Mikao a un lien familial direct avec le clan des Yoshifumi Taira, des descendants du cinquantième empereur du Japon, le prince Yamabe Shinnô, devenu Kanmu Tennô (737-806). Cet Empereur était un passionné de recherches universitaires et a financé les voyages de Kukaï et Saïchô en Chine, qui en ont ramené les Bouddhismes Shingon et Tendaï.

Le fameux samouraï Tsunetane Chiba, qui prit la ville d’Usui au 8ème siècle, était le frère de l’ancêtre de Mikao Usui, Tsuneyasu Chiba. Les deux branches, descendant de Kanmu Tennô, ont d’ailleurs le même blason ; qui apparaît sur la tombe de Mikao Usui à Tokyo. Il fut révélé en rêve par Hira Yoshifumi (arrière petit enfant de l'Empereur), alors que la divinité de la Grande Ourse (Myoken) lui était apparue sur le mont Kurama. Il semble donc que la famille Usui ait donné à ce lieu une fonction spécifique de génération en génération. Ceci expliquerait le choix de Mikao Usui d’y réaliser le sens de sa vie.

Durant la période Heian (794-1192), la montagne était devenu le principal lieu du culte de Vaishravana, sous la forme de Kubera (le gardien des trésors et des dix bonheurs) et une société secrète de guérisseurs y constitua son siège. Certains de ces ascètes ayant obtenu de grandes réalisations, mais en l’absence de successeurs idoines, ont laissé à leur mort des rouleaux de textes souvent incompréhensibles. Ces textes furent le plus souvent transmis en toute méconnaissance ou enfouis dans des cavités rocheuses dans l’attente d’un inventeur idoine.

Cet usage pourrait corroborer le récit de Hawayo Takata, pour le moment confirmé par aucune preuve palpable, que Mikao Usui se serait approprié un parchemin chargé d’une influence spirituelle et que sa réalisation aurait été l’objectif de la retraite de Kurama. Ce type de transmission et d’expérience n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel :
« (la) Valorisation incantatoire du corpus scripturaire (les écritures bouddhiques) (...) devrait nous préparer à la découverte (...) En effet, on les retrouve partout inscrites et enfouies en tant que principes animateurs dans les fondations des stûpa et dans les cavités des icônes, ainsi que sur des fragments de papier retrouvés dans les fouilles (...) et ayant servi, sans doute, de talismans protecteurs ».

A l’époque où Mikao Usui découvre le Reiki, de nombreux textes bouddhiques sont vendus, certains retrouvés sous des temples démolis pour les besoins de l’urbanisation ou à la suite de tremblements de tere. Est-ce là la raison de sa retraite ? Rien ne permet d’étayer cette thèse.

Pour autant, cette histoire de méditation de Mikao Usui à Kurama ressemble, au fur et à mesure que l’on se penche sur la question, au cèdre sacré, qui cache la forêt. On a l’impression d’un récit brodé de fil blanc, cachant en fait un groupe ésotérique resté attaché aux vues du culte impérial antérieur au néo-Shintô, qui mêlerait ainsi Bouddhisme et Shintô classique. Rien ne permet de l’établir et Mikao Usui déclare strictement le contraire. C’est là deux raisons de plus pour envisager quelques liens entre la méthode de Mikao Usui et cette vénérable tradition nippone.

 

 


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